Sonorisation des églises et des lieux de culte
Cette caractéristique a cependant une contrepartie : si la réverbération et l’écho subliment la musique, sans sonorisation, ils rendent souvent la parole confuse, dès les premiers rangs et presque incompréhensible au fond de la salle.
Aujourd’hui, des solutions techniques permettent de surmonter ces défis acoustiques. Mais pour mieux comprendre ce phénomène, replongeons à l’Antiquité ou au Moyen Âge, époques où furent édifiées de nombreuses églises conçues avant tout pour magnifier le chant sacré.
Époque ancienne : Acoustique naturelle
Les premières églises et lieux de culte, construits principalement entre l’Antiquité et le Moyen Âge, étaient conçus pour maximiser l’acoustique naturelle.

Le plafond des premières basiliques romaines, de même que les églises préromanes, en bois, était constitué de pans inclinés symétriques et d’une charpente composée, créant une diffusion acoustique également favorable pour la musique1.
- Architecture adaptée : Les bâtisseurs utilisaient des voûtes, des plafonds hauts et des matériaux réverbérants comme la pierre pour amplifier la voix du prêtre et les chants.
- Chants liturgiques : Les chants grégoriens, par exemple, étaient composés pour tirer parti de l’écho et de la réverbération des grandes salles, ce qui ajoutait une dimension spirituelle à l’expérience.
- Limites : Bien que l’acoustique naturelle fût impressionnante, elle posait des problèmes : les paroles devenaient souvent difficiles à comprendre, en particulier dans les grandes cathédrales.
Le Moyen âge
Au Moyen Âge, les relations entre l’acoustique et l’architecture des églises sont plus d’ordre philosophique et mathématique que pratique.
La communication entre prêtres et fidèles se réduit au point que « le clergé sacerdotal n’est plus tourné vers l’assemblée, comme il l’était encore dans l’abside des plus anciennes basiliques, mais il se présente dos aux fidèles, face à l’autel des sacrifices »2.
La volonté de montrer la majesté de Dieu transparaît au travers des constructions qui s’élèvent de plus en plus haut vers le ciel. Le symbolisme architectural qui induit cette montée des voûtes vers le ciel conduit cependant également à réaliser des prouesses techniques pour augmenter la hauteur des édifices.
Parmi celles-ci, on peut citer notamment à l’époque gothique les arcs-boutants et les voûtes d’ogive (induisant une diffusion favorable). Cela a pour conséquences non seulement une augmentation du volume et des choix de matériaux de construction comme la pierre, résistants, mais acoustiquement réfléchissants.2

Chaire à prêcher avec abat-voix. Ces deux facteurs conduisent inévitablement à augmenter le temps de réverbération, ce qui a pour effet de rendre la parole peu compréhensible, mais le chant enveloppant. Une autre conséquence acoustique perturbant l’intelligibilité de la parole est l’apparition de réflexions tardives issues des voûtes, qui sont acoustiquement néfastes. A partir du XIV e siècle on assiste alors à la mise en place, à l’intérieur des églises, des chaires munies généralement d’un abat-voix pour diminuer ces effets.2
Vases acoustiques. Dans beaucoup de communautés cependant (…/…) Divers artifices furent trouvés pour favoriser l’intelligibilité de la parole, en abaissant quelque peu le temps de réverbération, comme la mise en place de « vases acoustiques » dans les voûtes et face à la chaire l’utilisation de tentures ou de parements en tuf et enfin la mise en place, avant l’avènement des bancs pour l’assemblée, de paille ou de foin et de fleurs au sol.
Fin du XIX siècle : Apparition des systèmes électriques pour la sonorisation des églises
Le développement de l’électricité et des technologies audio au début du XXe siècle révolutionna la sonorisation.
- Microphones rudimentaires : Les premiers microphones à charbon furent utilisés pour amplifier la voix, mais la qualité sonore était faible.
- Amplificateurs électroniques : L’invention de l’amplificateur à lampes dans les années 1920 permit d’améliorer la puissance et la clarté sonore.
- Haut-parleurs : Les premiers haut-parleurs électrodynamiques furent intégrés dans les églises pour mieux diffuser la voix du prédicateur.
Après-guerre : Expansion et standardisation
La Seconde Guerre mondiale et les décennies suivantes virent une explosion des technologies de sonorisation.
- Amplificateurs modernes : Les transistors remplacèrent les lampes, rendant les systèmes plus compacts et fiables.
- Microphones dynamiques : Des modèles comme le Shure SM57 devinrent des standards pour leur clarté et leur robustesse.
- Multiplication des enceintes : Les églises installèrent des haut-parleurs à divers endroits pour une couverture sonore uniforme.

Années 1980-2000 : Personnalisation et nouvelles technologies
Avec l’électronique numérique, la sonorisation des lieux de culte devint encore plus sophistiquée.
- Égaliseurs numériques : Permirent de corriger les problèmes acoustiques spécifiques à chaque bâtiment.
- Systèmes sans fil : Les micros sans fil et les émetteurs facilitèrent les déplacements des orateurs et des prêtres.
- Son multicanal : Des systèmes multicanaux offrirent une meilleure spatialisation sonore.
XXIe siècle : Technologie intelligente
Les développements récents ont apporté des solutions encore plus précises et intégrées.
- Systèmes automatisés : Les technologies comme le traitement numérique du signal (DSP) ajustent automatiquement le son en fonction de l’acoustique.
- Microphones directionnels : Captent les voix tout en réduisant les bruits ambiants.
- Intégration visuelle et audio : De nombreux lieux de culte incluent désormais des écrans et des systèmes de sonorisation synchronisés pour diffuser des sermons ou des chants en direct.

Line Array : Diffusion sonore uniforme et précise
Les nouvelles technologies comme les systèmes Line Array et l’Automatic Resonance Control (ARC) ont transformé la sonorisation des lieux de culte, en permettant une qualité sonore exceptionnelle tout en répondant aux défis posés par l’architecture complexe de ces espaces à l’électricien du patrimoine.
Qu’est-ce qu’un Line Array ?
Un Line Array est une configuration de haut-parleurs montés en ligne verticale, conçue pour projeter le son de manière uniforme sur une longue distance, avec un contrôle précis de la direction. C’est un système de sonorisation que vous certainement déjà vu si vous fréquenter les gros festivals de musique estivaux.
Fonctionnement
- Directivité contrôlée : Chaque haut-parleur émet un son qui s’ajoute à celui des autres pour former un faisceau sonore cohérent. Cela réduit les pertes et les réflexions non souhaitées.
- Couverture ajustable : Grâce à leur angle réglable, les Line Arrays peuvent cibler des zones spécifiques, comme les bancs des fidèles, sans gaspiller d’énergie sonore sur les murs ou les plafonds.
Avantages pour les lieux de culte
- Réduction de la réverbération : Dans des bâtiments avec une acoustique complexe, comme les cathédrales, les Line Arrays minimisent les réflexions sonores sur les surfaces réverbérantes.
- Uniformité sonore : Chaque zone reçoit une qualité sonore comparable, qu’on soit proche ou éloigné de l’autel.
- Discrétion esthétique : Les Line Arrays peuvent être compacts et discrets, s’intégrant bien dans des environnements historiques ou architecturaux sensibles.
Exemple d’application
Dans une église à haut plafond, un Line Array bien calibré peut projeter un son clair jusqu’aux dernières rangées sans que celui-ci devienne indistinct à cause de l’écho ou de la réverbération.
Automatic Resonance Control (ARC) : Maîtrise des résonances acoustiques
Qu’est-ce que l’Automatic Resonance Control ?
L’ARC est une technologie de traitement numérique du signal (DSP) qui identifie et réduit automatiquement les résonances acoustiques indésirables d’un espace.
Fonctionnement
- Analyse en temps réel : Des microphones mesurent les résonances générées par le système de sonorisation dans l’environnement.
- Traitement adaptatif : L’ARC ajuste les fréquences et les niveaux de sortie pour neutraliser les fréquences problématiques (souvent dans les basses et moyennes fréquences).
- Apprentissage dynamique : Ces systèmes peuvent s’adapter à des changements dans l’environnement, comme des variations dans le nombre de personnes présentes.
Avantages pour la sonorisation des lieux de culte
- Clarté améliorée : En atténuant les fréquences problématiques, l’ARC garantit que la voix ou la musique reste intelligible.
- Réduction des feedbacks : Les Larsen (feedback acoustiques) sont minimisés, même dans des environnements acoustiques difficiles.
- Installation simplifiée : L’ARC réduit le besoin de réglages manuels complexes par des techniciens spécialisés.
Exemple d’application
Dans une chapelle où les basses fréquences se renforcent excessivement, un système avec ARC identifie et atténue ces fréquences, améliorant la clarté des sermons ou des chants.
Intégration des technologies : Line Array et ARC
Ces deux technologies se complètent pour répondre aux défis des lieux de culte modernes :
- Les Line Arrays optimisent la diffusion sonore dans des espaces vastes et réverbérants.
- L’ARC traite les imperfections acoustiques résiduelles pour offrir un son équilibré et clair.
Cas pratique : Une cathédrale équipée de Line Array et ARC
- Un Line Array est installé à proximité de l’autel pour projeter le son vers toute l’assemblée.
- L’ARC est activé pour analyser les résonances du lieu, particulièrement celles causées par les grandes surfaces de pierre et les vitraux.
- Les deux systèmes travaillent ensemble pour fournir une expérience sonore claire et agréable, sans sacrifier la beauté acoustique naturelle du lieu.
Technologies associées
- Microphones directionnels : Couplés à ces technologies, ils captent uniquement la voix du prêtre ou des musiciens, réduisant les bruits ambiants.
- Contrôle via applications : Les systèmes modernes permettent un réglage à distance à l’aide de tablettes ou de smartphones, pour une gestion plus flexible de la sonorisation.
1 Eglises à la recherche de vocations : quels apports de l’environnement sonore
2 Carvalho, A. P. O. (1999). The effect of pulpits in the Rasti values within churches. INTER-NOISE ’99, Fort Lauderdale (USA), pp. 989-994